Dominicale de la Saint-Joseph
Le serviteur fidèle
Homélie du Frère Dominique-Benoît – 19 mars 2024
Dans les lectures de la fête de saint Joseph, il est souvent fait référence à la descendance, un élu, un fils, un père, un héritier, une dynastie, Dieu.
Il est question de famille mais dans une situation assez inhabituelle puisque Dieu, le roi David, saint Paul, saint Matthieu (les auteurs de ces textes) utilisent des périphrases pour nous parler de ces questions de famille. Ils nous parlent de liens familiaux sans qu’il n’y ait à l’origine de lien familial : c’est pareil mais c’est différent. Par exemple, « Il sera pour toi un fils », c’est-à-dire comme un fils alors qu’il ne l’est pas. Une sorte de « en même temps » diraient, certains, aujourd’hui. On parle de famille alors qu’il ne s’agit pas de famille. Ou plutôt, cela ne semble pas être une famille, mais cela en est une !
Ce que nous retiendrons du psaume, c’est la notion de fidélité et de service. Dieu récompense toujours ceux qui le servent fidèlement. J’aimerais revenir sur ce point particulier : le serviteur, c’est celui qui fait la volonté de son maître. La fidélité, c’est cette capacité à garder sa volonté stable dans le temps. Par exemple : j’ai promis à mes grands-parents d’aller les voir ce week-end mais des amis me proposent un week-end de ski à la montagne. Parce que je suis fidèle, je dirai non à mes amis car j’ai fait une promesse et peu importe l’autre proposition qui me sera faite, je reste ferme dans ma décision première. La fidélité demande donc un bon discernement : je ne vais pas faire des promesses à tout bout de champ car je serai très souvent tenté de reprendre ma parole. Non, je vais m’engager après avoir pris du temps pour voir quelle était la meilleure chose à faire.
La notion de serviteur maintenant : cela fait souvent frémir car on l’assimile forcément à celle d’un individu inférieur qui n’aurait pas d’autre choix, une sorte d’esclave en fait. Ce n’est pas du tout cela, à vrai dire : devenir serviteur, c’est accepter que mes actions se fassent au profit d’autres personnes que moi-même. C’est comprendre que l’amour d’une personne puisse nous pousser à nous oublier nous-mêmes, c’est accepter de prendre la seconde place pour que l’autre soit mis à l’honneur. Vous connaissez, normalement, ce sens du service : c’est ce que vos parents ont accepté de faire à votre encontre. Parce que vous êtes leur enfant, parce qu’ils ont désiré vous donner la vie, parce qu’ils ont assumé la responsabilité naturelle d’être parents, ils ont donc œuvré à votre bien. Oh, je sais, pour certains, ce ne serait jamais assez : je n’ai pas encore eu l’iPhone 15, les parents rechignent à m’acheter des vêtements de telle marque,… mais ce n’est pas cela être à votre service. Être à notre service, c’est avoir une exigence de nous élever au-dessus de notre propre nature égoïste, nous faire comprendre que ce n’est pas posséder les dernières nouveautés qui nous rendra heureux.
Non, être à notre service, c’est sans cesse nous répéter de faire des efforts. Efforts dans tous les domaines : le travail, la famille, les amis, notre santé, notre conscience, notre vie spirituelle.
Telle surveillante qui vous rappelle tous les jours de vous tenir calme dans le rang pour la cantine, tel professeur qui vous prend la tête pour s’assurer que vous faîtes bien votre travail, tel personnel de l’école qui vous rappelle de jeter votre emballage dans la poubelle, tel aumônier qui vous rabâche qu’il faut faire silence pour entrer en relation avec Dieu… Toutes ces personnes sont à votre service.
Dans la Bible, celui qui va être appelé le serviteur fidèle, c’est saint Joseph. Il n’avait pas grand-chose à gagner à s’occuper de l’enfant Jésus et de sa mère. Il n’était pas son père biologique et la médisance aurait pu naître autour de lui. Pourtant, il a accepté de croire, lui aussi, dans la parole que l’ange Gabriel lui a adressé au nom de Dieu. En devenant le père adoptif de la sainte famille, il est devenu doublement serviteur de Dieu : en faisant la volonté de Dieu le Père et en élevant Dieu le Fils, Jésus le Christ.
Cette fidélité est bien discrète : on entend peu parler de Joseph dans la suite des évangiles mais c’est le propre du service : savoir se faire oublier. C’est d’ailleurs pour cela que les serviteurs sont souvent regardés avec mépris mais j’affirme qu’ils obtiennent une récompense supérieure de la part de Dieu : « Heureux les humbles de cœur, car le Royaume des cieux est à eux ! » (Mt 5,3)
En ce jour de passation de l’État-Major, que saint Joseph soit un modèle de service et de fidélité pour ceux qui vont œuvrer au bien de tous les élèves pendant l’année à venir. Pour ceux qui vont quitter leur fonction, mais aussi pour chacun d’entre vous, puissiez-vous vous mettre à son école pour mettre en application l’une des devises de l’école Lacordaire (Réussir pour servir) et obtenir le Royaume des Cieux. Amen !
Frère Dominique-Benoît, op